Droit de la construction, les nouveaux CCAG applicables aux marchés publics
Paru dans Droit de la construction, les nouveaux CCAG applicables aux marchés publics
Rédigé par Pierre-Louis Pillière, Juriste
Paru dans le Gesec Magazine n°254 – Été 2021
Les nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG) viennent d’être publiés. Présentation des principales nouvelles dispositions du CCAG applicables aux marchés publics de travaux.
Documents indispensables à l’exécution des marchés publics, les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) ont fait l’objet d’une refonte. Les nouvelles moutures ont été publiées le 1er avril 2021. Parmi les innovations, la création d’un CCAG maîtrise d’œuvre, qui vient compléter les cinq CCAG existants (CCAG Travaux, CCAG Fournitures courantes et services, CCAG Marchés industriels, CCAG Techniques de l’information et de la communication et CCAG Prestations intellectuelles).
Fruit d’une concertation de dix-huit mois avec les différents acteurs, cette réécriture des CCAG traduit différents objectifs : une intégration des dispositions du code de la commande publique et de la jurisprudence ; un rééquilibrage des relations contractuelles entre les parties, dans le but notamment de garantir un meilleur accès des PME à la commande publique ; une prise en compte du développement durable et de la dématérialisation ; la transcription de mesures nées de la crise sanitaire pour faire face à des difficultés rencontrées dans l’exécution des marchés.
Nous vous proposons un décryptage des principales nouvelles dispositions du CCAG applicables aux marchés publics de travaux.
Une période d’appropriation de six mois
Le nouveau CCAG s’applique à compter du 1er avril 2021 aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication à compter de cette date. Toutefois, jusqu’au 30 septembre 2021, les acheteurs publics peuvent faire référence au CCAG de 2009 (celui-ci sera abrogé le 1er octobre 2021). Durant cette période transitoire, en l’absence de précisions quant à la version du CCAG applicable, le marché est réputé faire référence à la version 2009.
Rappel : l’utilisation du CCAG par l’acheteur public est facultative
Pour que le cahier des clauses administratives générales soit applicable, il convient qu’il y soit fait expressément référence dans les documents particuliers du marché. Il est également fréquent que le maître d’ouvrage public déroge à certains articles du CCAG dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP). Pour que ces dérogations soient applicables, une liste récapitulative doit recenser l’ensemble de celles-ci au dernier article du CCAP.
Pénalités de retard : vers un rééquilibrage des relations contractuelles
Dans le souci de rééquilibrer les relations entre les parties et de favoriser l’accès des PME à la commande publique, le nouveau CCAG Travaux instaure (art. 19.2) un plafond pour l’application des pénalités de retard, fixé à 10% du montant total HT du marché. On note aussi l’introduction d’une procédure contradictoire obligatoire préalable à l’application de pénalités de retard. En effet, il est désormais prévu que lorsque le maître d’ouvrage envisage d’appliquer des pénalités de retard, il doit inviter par écrit le titulaire du marché à présenter ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours. Il pourra faire application des pénalités s’il n’a reçu aucune réponse du titulaire ou s’il considère que les observations formulées ne permettent pas de démontrer que le retard n’est pas imputable au titulaire.
A l’inverse des pénalités de retard, l’article 19.4 du CCAG consacre le principe du versement de primes en cas de réalisation anticipée par rapport aux délais fixés dans le marché (les documents du marché doivent prévoir le montant et les modalités d’application).
Avances : mise en œuvre d’un système d’options
Le nouvel article 10.1 du CCAG prévoit deux options pour le versement des avances :
- L’option A prévoit un versement d’une avance de 20% pour les PME (entreprise de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros) et de 5% pour les autres entreprises ;
- L’option B prévoit l’application des taux d’avances minimaux fixés par le code de la commande publique, soit un versement de 20% pour les PME pour les marchés passés par l’Etat, 10% pour les PME pour les marchés passés par les collectivités publiques, et 5% pour les autres entreprises.
Si les documents particuliers du marché ne mentionnent pas l’option retenue, l’option A s’applique par défaut.
Le choix de l’option A par une collectivité publique permettra ainsi aux PME de bénéficier d’un taux d’avance supérieur à ce que prévoient les dispositions du code de la commande publique.
Le régime des ordres de service plus favorable au titulaire
Le nouveau CCAG Travaux apporte plusieurs modifications sur le régime de l’ordre de service (OS).
Le maître d’ouvrage peut désormais adresser des OS au titulaire du marché (l’ancien article ne réservait cette faculté qu’au maître d’œuvre).
Le document n’a plus besoin d’être signé. L’article 3.8.1 prévoit que « les ordres de service sont écrits. Ils sont datés, numérotés et notifiés par le maître d’œuvre ou le maître d’ouvrage. Le titulaire en accuse réception datée. »
Les OS émis par le maître d’œuvre entraînant une modification des conditions d’exécution du marché, notamment en termes de délai d’exécution, de durée et de montants, font l’objet d’une validation préalable par le maître d’ouvrage.
En cas d’OS présentant un risque termes de sécurité, de santé ou qu’il contrevient à une disposition législative ou réglementaire à laquelle il est soumis dans l’exécution des prestations objet du marché, le titulaire doit présenter des observations motivées dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’OS. Dans ce cas, le délai d’exécution est suspendu jusqu’à la notification de la réponse du maître d’ouvrage. Le titulaire devra se conformer à la décision finale du maître d’ouvrage. En l’absence de réponse de ce dernier dans un délai de quinze jours, le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service.
Les OS prescrivant des prestations supplémentaires ou modificatives qui ont une incidence financière sur le marché donnent lieu à une juste rémunération. En l’absence d’une telle valorisation financière, le titulaire peut refuser d’exécuter l’ordre de service concerné, s’il a notifié son refus par écrit dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’OS (article 13.6).
Prise en compte des approvisionnements
Le nouvel article 10.4 pose le principe du paiement d’acomptes sur les approvisionnements, désormais définis comme « les matériaux, produits ou composants de construction constitués par le titulaire pour l’exécution des travaux objet du marché et dont la date de commande est postérieure à la notification du marché ».
Documents à fournir après l’exécution des travaux
Le titulaire doit désormais remettre, dès qu’il demande la réception des travaux, l’ensemble des dossiers des ouvrages exécutés ainsi que les documents nécessaires à l’établissement du dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO), préalablement validés par le maître d’œuvre (art. 40).
Décompte général et définitif (DGD) : précisions dans la procédure
En cas de retard dans la transmission de son projet de décompte final (le titulaire dispose de 30 jours à compter de la réception des travaux pour le transmettre au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre), l’article 12.3.4 vient préciser que le maître d’ouvrage doit mettre en demeure le titulaire de transmettre son projet de décompte final dans un délai de 15 jours.
Concernant l’hypothèse d’une réception avec réserves, l’article 12.4.2 intègre une solution jurisprudentielle en précisant que le maître d’ouvrage doit mentionner dans le décompte général les réserves non levées, ainsi que les litiges ou les réclamations dont il aurait connaissance et qui sont susceptibles de concerner le titulaire. A défaut, le maître d’ouvrage ne pourra plus réclamer les sommes nécessaires à la levée des réserves, ni appeler le titulaire en garantie dans le cadre d’une procédure contentieuse au titre des litiges ou réclamations dont il avait connaissance. Cette mention figurant sur le décompte général ne doit pas être nécessairement chiffrée.
Circonstances imprévisibles : instauration de clauses « Covid »
Tirant les enseignements des difficultés rencontrées par les parties aux marchés publics lors de la crise sanitaire, le nouveaux CCAG envisage deux situations.
- Circonstances imprévisibles rendant temporairement impossible la poursuite de l’exécution du marché : le texte décrit les conditions dans lesquelles les parties doivent se rapprocher pour convenir des dispositions à prendre durant la suspension totale ou partielle du marché, pour la reprise des prestations et pour s’accorder sur les modalités de répartition des surcoûts liés aux circonstances imprévisibles (art. 53.3) ;
- Circonstances imprévisibles affectant significativement les conditions d’exécution du marché sans pour autant faire obstacle à la poursuite des prestations : le texte prévoit une clause de réexamen applicable afin que les parties examinent les conséquences, notamment financières de ces circonstances (art. 54).
Clauses sociales et environnementales
Le développement durable fait son entrée dans les nouveaux CCAG en vue d’une meilleure prise en compte des aspects environnementaux et sociaux dans l’exécution des marchés. Des clauses environnementales sont introduites pour fixer des obligations en matière de transport, d’emballage et de gestion des déchets (art. 20.2). Le principe de pénalités est prévu en cas de manquement du titulaire à ces obligations.
L’article 20.1 prévoit également une clause d’insertion sociale qui pourra être activée par l’acheteur dans les documents particuliers du marché. Cette clause permet d’harmoniser les pratiques puisqu’elle définit précisément le public éligible à l’action d’insertion, les modalités de mise en œuvre de la clause et les pénalités en cas de non-respect des obligations en la matière.
Dématérialisation et données personnelles
Le nouveau CCAG poursuit l’objectif de dématérialisation des échanges en précisant (art. 3.1) que la notification des décisions, observations ou informations qui font courir un délai peut se faire par tout moyen dématérialisé. Le nouveau texte rappelle aussi les obligations en matière de facturation électronique (art. 12.6) et prévoit que le registre de chantier peut prendre la forme d’une plateforme numérique commune (art. 28.5).
En matière de protection des données à caractère personnel, l’article 5.2 rappelle l’obligation pour les parties de respecter les règles françaises et européennes en matière de protection des données personnelles (RGPD).
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