Sous-traitance avec un auto-entrepreneur : attention au salariat déguisé !
Paru dans Gesec Magazine 271 Automne 2025
Dans le quotidien d’une entreprise du bâtiment, lorsque les chantiers s’enchaînent et que les équipes sont déjà bien occupées, le réflexe peut être tentant : faire appel à un auto-entrepreneur pour venir en renfort. Flexible, simple, moins coûteux… Cependant, recourir à un auto-entrepreneur ne doit pas être un moyen de contourner le droit du travail et d’échapper aux obligations d’employeur. Derrière ce statut, il peut en réalité se cacher une véritable relation de subordination.
Les avantages apparents de l’auto-entrepreneuriat… et les risques cachés
Il existe plusieurs avantages à recourir à un auto-entrepreneur. Premièrement, la démarche est simple : aucune formalité d’embauche, ni bulletins de paie ni charges sociales à gérer. Deuxièmement, cela offre plus de flexibilité avec des missions confiées en fonction des besoins du chantier. Enfin, c’est moins coûteux (à court terme) : pas de cotisations patronales ni règlement à la tâche.
Toutefois, derrière cette apparente simplicité se cachent des risques juridiques importants si la collaboration n’est pas encadrée correctement, montrant qu’il ne s’agit pas d’un vrai sous-traitant… Un auto-entrepreneur est un professionnel indépendant. Il organise son travail, choisit ses méthodes, gère ses clients. S’il est intégré dans vos équipes comme un salarié, il y a un réel risque de requalification.
Les indices qui peuvent faire pencher la balance
- Il suit les horaires imposés par l’entreprise
- Il respecte des consignes de travail,
pas seulement celles liées à la sécurité - Il n’a pas d’autonomie dans sa manière de travailler
- Il porte la tenue vestimentaire fournie par l’entreprise
- Il utilise votre matériel ou vos équipements (hors EPI)
- Il facture à l’heure, et non à la tâche ou au forfait
- Il a déjà été salarié de votre entreprise, sur des fonctions similaires
- Il travaille uniquement ou quasi exclusivement pour vous, sans autres clients
Requalification en contrat de travail : ce que cela implique
- Rattrapage de salaires, y compris les heures supplémentaires, congés payés, primes éventuelles…
- Cotisations sociales Urssaf à régulariser sur la base d’un poste équivalent dans l’entreprise
- Indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Risque fiscal
- Régularisation de la TVA non collectée, si l’auto-entrepreneur a facturé, à tort, sa prestation HT
Le recours à un auto-entrepreneur peut être une solution efficace dans certains cas. Mais cela suppose une vraie autonomie de la part du prestataire, une relation encadrée et une veille constante sur la réalité de la mission. Dès lors, pour limiter au maximum le risque de requalification, un outil est indispensable : le contrat de sous-traitance.
Les bénéfices du contrat de sous-traitance
Il permet d’encadrer et sécuriser la relation avec le prestataire. Il peut être ponctuel, pour une intervention unique, ou conclu pour plusieurs mois (on parle alors de « contrat cadre ») lorsque vous travaillez régulièrement avec un même sous-traitant. Dans ce cas, il est complété par des bons de commande, par chantier.

En tant que donneur d’ordre, vous avez plusieurs obligations à respecter :
- Faire accepter et agréer les conditions de paiement du sous-traitant auprès du maître d’ouvrage. En marché privé, cela peut prendre la forme d’un simple mail, sauf si le contrat prévoit une forme particulière. L’important est d’avoir une preuve du retour du maître d’ouvrage.
- Délivrer une caution personnelle et solidaire pour le montant du marché sous-traité, afin de garantir le paiement de votre sous-traitant. À défaut, en cas de litige, vous risquez de ne pas pouvoir vous prévaloir des dispositions du contrat de sous-traitance.
- Recueillir l’attestation d’assurance responsabilité civile du sous-traitant et, si les travaux rentrent dans le cadre de la garantie décennale, l’attestation d’assurance décennale (même si le client ne pourra pas engager directement sa responsabilité, mais uniquement la vôtre).
- Collecter les documents administratifs relatifs à la lutte contre le travail illégal : attestation d’immatriculation, attestation de vigilance permettant de justifier qu’il est en règle avec ses contributions sociales et fiscales.
- Demander le certificat de qualification RGE si les travaux réalisés par le sous-traitant sont éligibles aux aides financières.
- Être redevable de la TVA sur les prestations sous-traitées (facture du sous-traitant HT).
Ce qu’il faut retenir :
Les bons réflexes pour encadrer la relation avec un auto-entrepreneur et éviter les risques de requalification :
- Conclure un contrat de sous-traitance
- Vérifier la régularité de l’auto-entrepreneur
- Privilégier une facturation forfaitaire
- Demander une attestation de non-dépendance économique
- Ne pas l’intégrer à une équipe salariée sous l’autorité d’un chef de chantier
Drôle de cas : Apprenez des expériences des autres
Le jour où les radiateurs ont descendu l’escalier tout seuls
Petit chantier, gros souci : deux salariés ont pris la liberté de faire glisser des radiateurs dans l’escalier plutôt que d’utiliser le diable prévu à cet effet. Résultat ? Les margelles de deux étages n’ont pas survécu à l’opération. Le client est furieux, et vous aussi. Cependant, les deux salariés pensaient de leur côté que l’ensemble de l’immeuble allait être rénové, escalier compris. Alors bon, un coup de radiateur en plus ou en moins, ce n’est pas si grave ?
Sauf que l’escalier, lui, devait rester tel quel. Patiné, oui. Massacré, non.
Alors, peut-on imposer aux salariés de réparer les dégâts qu’ils ont causés ?
La réponse est OUI mais… sous conditions
Explication :
En tant qu’employeur, vous pouvez demander à vos salariés d’effectuer la réparation, à condition que cela entre dans leurs compétences (techniquement réalisable et sans danger) et que ce soit réalisé pendant leur temps de travail. En d’autres termes, le temps de travail normalement dédié aux chantiers devra être consacré à la réparation des margelles d’escalier du client.
Et s’ils ne savent pas faire ? Dans ce cas, il faudra alors faire appel à une entreprise extérieure, à vos frais.
Et pas de retenue sur salaire possible, même si les dégâts sont manifestes : les sanctions pécuniaires sont interdites (article L1331-2 du Code du travail).
Côté discipline ?
Vous pouvez notifier un avertissement. En effet, les faits relèvent d’une négligence ou d’un comportement inapproprié ayant causé des dégradations.
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