La MANCO : un outil stratégique pour impliquer les managers et anticiper la transmission d’entreprise
Paru dans Gesec Magazine 270 Été 2025
Dans les entreprises familiales et indépendantes, la question de la transmission (cession/reprise) est cruciale. Anticiper et sécuriser ce passage de relais, tout en mobilisant les équipes dirigeantes, constitue donc une priorité.
Mais comment s’y prendre ? La MANCO représente une réponse juridique et financière de plus en plus plébiscitée.
Près de la moitié des entreprises du Gesec sont transmises en interne, dont 36 % sont reprises par les salariés. Un chiffre supérieur à la moyenne nationale qui se situe à 20 %, selon la Confédération des PME (CPME). L’enjeu de la transmission est donc important. Pour qu’elle s’opère dans les meilleures conditions, des outils existent afin de structurer et de sécuriser le processus.
L’un d’eux est la MANCO (abréviation de management company). Il s’agit d’une société créée spécifiquement pour regrouper les participations des managers et salariés clés dans l’entreprise. Concrètement, au lieu que chaque manager achète directement des actions ou des parts sociales, ces derniers se regroupent au sein d’une entité juridique dédiée (la MANCO) qui, elle, investit dans l’entreprise ou dans la holding qui la détient.
Elle peut détenir des titres de la société opérationnelle, soit directement, soit indirectement. La quasi-totalité des MANCO en France est généralement constituée sous forme d’une SAS. Cet outil joue donc un double rôle :
- Gouvernance : elle donne un cadre collectif à la participation des managers. Le président de la MANCO pourra représenter les intérêts des cadres et en être le porte-parole.
- Financement : elle permet de lever des fonds (apport personnel + emprunts bancaires) pour acheter des parts significatives.
Quel rôle dans un projet de transmission/reprise ?
La MANCO est particulièrement adaptée pour préparer un projet de cession/reprise en interne. Plutôt que de vendre à un acteur externe (concurrent, fonds d’investissement, grand groupe), le dirigeant peut organiser une reprise progressive par ses cadres dirigeants.

La MANCO devient alors l’outil pivot : elle structure la montée au capital des managers, qui peuvent ainsi racheter progressivement les parts du cédant, avec un plan de financement adapté. Cela permet d’assurer la continuité opérationnelle, de rassurer les équipes et les clients, et d’éviter les chocs liés à une vente extérieure.
Quels avantages et quels inconvénients ?
Les avantages de la MANCO
- Renforce la motivation des équipes qui deviennent co-actionnaires
- Aligne les intérêts des dirigeants historiques et des managers
- Permet un projet de transmission progressive, sans rupture brutale
- Accède à des financements avec effet de levier, souvent hors de portée des managers individuellement
- Crée de la stabilité et de l’engagement au sein de la société avec les personnes qui partagent les mêmes valeurs et la même ambition. Cela crée une équipe solide
Les inconvénients de la MANCO
- Complexité juridique et montage fiscal qui nécessitent des conseils spécialisés
- Risque financier pour les managers qui engagent des fonds personnels et s’endettent
- Possible désalignement si les objectifs de rentabilité à court terme deviennent trop pressants
Et pour l’intéressement des salariés ?
La MANCO complète utilement les dispositifs classiques d’intéressement et de participation. Elle permet aux salariés managers d’aller plus loin, en devenant actionnaires et en partageant directement la valeur créée. Cet engagement génère un cercle vertueux :
les managers sont d’autant plus motivés qu’ils bénéficient des résultats collectifs, ce qui entraîne les équipes derrière eux. Elle renforce l’implication et la motivation des équipes ainsi que l’attrait de l’entreprise dans le cadre du recrutement de nouveaux salariés.

En anticipant la transmission et en donnant aux managers les moyens de devenir acteurs à part entière du projet d’entreprise, la MANCO représente un outil puissant pour préparer l’avenir des PME. Elle peut se mettre en place indépendamment de tout schéma de transmission, en l’occurrence si les actionnaires majoritaires souhaitent faire participer leurs salariés au capital de leur entreprise et qu’un certain nombre de salariés ont fait part de leur volonté de pouvoir être associé dans leur entreprise.
Si vous êtes dirigeant et que vous vous interrogez sur la suite, pourquoi ne pas réfléchir à cette option dès aujourd’hui ?
Les questions à se poser avant de créer une MANCO
- Quels sont les managers-clés que je souhaite associer au capital ?
- Sont-ils prêts à investir personnellement et à s’endetter ?
- Quel est l’objectif : transmission totale, partielle ou simple intéressement ?
- Quel montant est nécessaire et comment le financer (apports + dette) ?
- Qui m’accompagne pour le montage juridique, fiscal et financier (avocats, experts-comptables, banquiers…) ?
- Comment éviter les conflits futurs : gouvernance, pactes d’actionnaires, règles de sortie ?
J’ai envisagé le système de MANCO dès la reprise de l’entreprise en l’intégrant dans mon projet stratégique à long terme. Pour commencer en 2014, je constitue le schéma classique de la holding (LBO) pour acquérir l’ensemble des parts sociales de la société.
Une fois le remboursement terminé, je souhaitais structurer l’entreprise avec les salariés en CDI impliqués au projet de leur entreprise. Chose faite en 2023 pour 20 % du capital social via une nouvelle holding.

Enfin, cette année j’ai instauré le principe de la MANCO en créant HDB Energie. Une opportunité pour les cadres dirigeants d’acheter une première partie du capital de l’entreprise servant à la fois d’effet de levier de financement pour l’acquisition future, et à l’exercice de la gouvernance de l’entreprise.
La MANCO requiert une conviction profonde du dirigeant
Si le déploiement d’une MANCO nécessite une organisation rigoureuse, cet outil présente de réels avantages : il favorise l’implication des collaborateurs et contribue à leur fidélisation. Mais pour qu’elle fonctionne pleinement, la MANCO requiert une conviction profonde du dirigeant fondée sur la confiance et la transparence envers les salariés actionnaires.
De plus, elle doit s’inscrire dans un projet d’entreprise global qui correspond à ses valeurs.
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