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Décret tertiaire : Soyons force de proposition !

Rédigé par Rémi Voirin,

Paru dans Gesec Magazine 261 Printemps 2023

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Le cadre réglementaire visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments tertiaire est désormais en place. Il fixe des objectifs ambitieux de réduction des consommations d’énergie à différents horizons. Autant d’opportunités de business au long cours pour nos métiers. À condition de maîtriser ces dispositifs et de bâtir des offres commerciales spécifiques.

Nous sommes dos au mur, mais des solutions existent… à condition d’un sursaut international. Tel est en substance le message que le GIEC a souhaité envoyer dans son dernier rapport de synthèse. C’est dans ce contexte volontariste que s’inscrit le dispositif Eco-énergie tertiaire (DEET) issu du fameux «  décret tertiaire  », entré en vigueur en octobre 2019. L’objectif de cet ensemble de textes réglementaires est de réduire progressivement les consommations d’énergie dans les bâtiments tertiaires. Pourquoi ce secteur ? Parce qu’il constitue un enjeu considérable. En effet, le parc tertiaire est responsable à lui seul de 16 % de la consommation finale d’énergie de la France et du tiers de celle du bâtiment.

Quels sont les bâtiments concernés par le DEET ? Tous ceux qui ont une surface d’activité tertiaire égale ou supérieure à 1 000 m², soit 68 % du parc tertiaire, selon l’étude d’impact réalisée en 2019. C’est donc un énorme chantier qui s’ouvre et qui va s’étaler sur plus de vingt-cinq ans. Pour atteindre les objectifs de réduction des consommations d’énergie, il faudra jouer sur tous les leviers disponibles : améliorer la performance énergétique des bâtiments, installer des équipements performants et des systèmes de pilotage de l’énergie, optimiser l’exploitation de ces équipements, adapter les locaux à un usage économe en énergie et inciter les usagers à adopter un comportement écoresponsable. Il se trouve que plusieurs de ces leviers relèvent du génie climatique et du génie électrique. Le déploiement du DEET constitue donc pour nos métiers une opportunité de participer activement à la transition énergétique et de développer notre activité. Mais pour la saisir, encore faut-il en maîtriser les arcanes et bâtir des offres commerciales spécifiques.

Pour se positionner sur ces chantiers, il est indispensable de sortir de son périmètre d’installateur.

Conscient de la complexité du sujet, le Gesec a déjà organisé plusieurs ateliers destinés à ses adhérents et continuera à le faire. Animés par Marie-Clémence Briffaud, notre experte sur ces questions, ils ont permis à plusieurs dizaines d’entre vous de se familiariser avec le DEET. Nous avons tenté d’en résumer la teneur dans l’infographie ci-dessous et l’interview de Marie-Clémence que vous trouverez page suivante. Une fois le dispositif assimilé, il devient possible d’accompagner les entreprises assujetties dans cette démarche au long cours. C’est ce qu’ont fait plusieurs adhérents que nous avons interrogés pour ce dossier. Jérôme Peyron, président de K2-Énergies, a ainsi identifié les compétences qui lui manquaient pour proposer une palette d’actions suffisamment large à ses clients et décidé de progresser dans les domaines de la régulation et des énergies renouvelables. Gregory Binisti, dirigeant d’ABC Automation, lui, a fait de ses locaux une vitrine de son savoir-faire et met la dernière main à des offres commerciales destinées à ses clients tertiaires. Quant à Christophe Weber, DG d’EJ-Énergies, il propose déjà à ses clients tertiaires une prestation globale qui va de la conception au management de l’énergie en passant par la réalisation et le financement. Une stratégie payante qui devrait lui permettre de profiter pleinement des opportunités créées par le DEET.

Pour se positionner sur ces chantiers, il est indispensable de sortir de son périmètre d’installateur. Ce qui ne veut pas dire tout faire seul. Pour sa part, Christophe Varaillon, directeur du pôle Commerce et innovation au Gesec, a choisi de faire appel à Objectif 54, un partenaire spécialisé dans la gestion des CEE pour accompagner ses clients nationaux. « Maîtriser le dispositif CEE et l’intégrer à son offre peut contribuer à faire la différence au moment de l’approche commerciale », assure Thierry Gelebart, responsable de la filiale dédiée au DEET. Il n’est pas le seul. D’autres partenaires ont construit des offres spécifiques. C’est le cas du distributeur Sonepar ou du fabricant France Air, que nous avons sollicités pour ce dossier. Mais aussi de Rexel, avec son offre Open, ou de Schneider, qui propose des solutions d’automatisation et de contrôle des systèmes d’énergie. Tous cherchent des partenaires fiables pour déployer chez leurs clients les plans de réduction des consommations d’énergie et les accompagner dans la durée.

Comprendre le dispositif réglementaire et ses implications techniques

Notre experte Marie-Clémence Briffaud a animé plusieurs webinaires et ateliers en région sur le sujet. Nous lui avons demandé d’approfondir certains points du dispositif éco-énergie tertiaire (EET).

Le dispositif EET concerne les bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2. Dans les faits, la définition du périmètre assujetti n’est pas toujours simple…
Effectivement, la surface prise en compte est la surface dédiée à une activité tertiaire. Il peut s’agir d’un bâtiment, de parties d’un bâtiment ou de plusieurs bâtiments situés sur un même site ou une même unité foncière. Un site industriel peut donc être assujetti si la surface de ses bureaux, restaurant d’entreprise, entrepôt et autres activités tertiaires dépasse 1 000 m2.

Propriétaire, locataire : qui doit faire la déclaration sur Operat ?
Le dispositif EET s’applique au niveau d’une entité fonctionnelle assujettie (EFA). Celle-ci est constituée d’un binôme propriétaire-bailleur/locataire-occupant, chacun ayant sa part de responsabilité. C’est théoriquement à l’exploitant de l’établissement, le locataire donc, d’effectuer la déclaration des consommations. Le propriétaire, lui, est responsable de la performance énergétique des locaux et des systèmes techniques. Il doit fournir au locataire la documentation technique des équipements pour favoriser leur bonne exploitation. Il doit aussi déclarer les consommations des parties communes et des consommations réparties. Pour que tout se passe bien, les deux parties doivent donc communiquer et décider ensemble qui se charge de quoi.

Comment sont fixés les objectifs de réduction des consommations ?
La première étape consiste à fixer une consommation de référence. Celle-ci correspond à une année pleine d’exploitation choisie entre janvier 2010 et décembre 2019, mesurée à partir de factures et exprimée en kWh/m2/an de surface de consommations énergétiques. Cette précision est importante car cela inclut les surfaces de stationnement des véhicules, y compris les rampes d’accès et les aires de manœuvre, alors que ces surfaces ne sont pas considérées pour la vérification de l’assujettissement. Une fois cette consommation de référence fixée, on appliquera les objectifs de réduction prévus par le dispositif EET. Ils pourront être exprimés en valeur relative (– 40 % à l’horizon 2030, – 50 % en 2040 et – 60 % en 2050) ou en valeur absolue. Si l’on choisit la seconde option, on se reportera aux arrêtés qui définissent les valeurs établies par catégories d’activité : bureaux, commerce, école… Pour chaque catégorie, on distinguera deux types de consommations : les consommations CVC, modulées en fonction de la zone géographique et de l’altitude, et les autres (ECS, éclairage, ascenseurs, bureautique…), qui pourront être adaptées en fonction de l’intensité d’usage du bâtiment.

Comment choisir entre les deux options ?
On choisira l’option la plus favorable à l’entreprise, c’est-à-dire celle qui lui permettra d’atteindre le plus facilement l’objectif. Un bâtiment assujetti peu performant aura ainsi intérêt à choisir l’option valeur relative, alors qu’un local déjà performant aura intérêt à choisir l’option valeur absolue (schéma ci-dessous).

Y a-t-il d’autres possibilités de modulation de l’objectif ?
Oui, notamment s’il existe des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales qui empêchent de réaliser les travaux nécessaires. Ou encore en cas d’évolution du volume d’activité ou de changement d’activité. Enfin, si l’on constate une disproportion du coût par rapport aux bénéfices, notion estimée par un temps de retour sur investissement important. Dans tous ces cas de figure, il est nécessaire de déposer un dossier justificatif d’ici à 2027.

Pour définir une stratégie et un plan d’actions pour ses clients assujettis, le mieux est de se faire accompagner par un prestataire spécialisé.

Pour définir une stratégie et un plan d’actions pour ses clients assujettis, le mieux est de se faire accompagner par un prestataire spécialisé.

Marie-Clémence Briffaud

Conseillère multitechique, Gesec

Une fois les objectifs fixés, comment bâtir un plan d’action ?
La palette d’actions pour réduire les consommations est vaste. Toutes ne concernent pas nos métiers. On pourra commencer par les actions avec un temps de retour sur investissement court pour générer des économies, lesquelles serviront à financer des travaux plus lourds. On privilégiera aussi les actions bénéficiant de CEE : installation d’équipements performants, GTB de classe A ou B, contrat de performance énergétique… Pour définir une stratégie et un plan d’action pour ses clients, le mieux est de se faire accompagner par un prestataire spécialisé.

Quelles sont les obligations en matière de suivi des consommations ?
Chaque année, l’exploitant de l’EFA doit déclarer ses consommations d’énergie finale sur la plateforme Operat. Il a aussi l’obligation d’afficher dans le bâtiment ou de publier ces données et l’objectif à atteindre, par exemple sur son site internet. En retour, il obtiendra une notation annuelle de consommation en fonction de son positionnement.

Que se passe-t-il si l’assujetti ne respecte pas ses obligations ?
Si l’assujetti ne s’enregistre pas sur Operat et ne saisit pas ses données malgré les relances, il sera inscrit sur une « liste des mauvais élèves », en vertu du principe du « Name & Shame ». S’il ne respecte pas ses objectifs de consommation, lesquels ne seront pas vérifiés avant 2031, il s’expose à des sanctions financières : une amende de 1 500 euros pour une personne physique et de 7 500 euros pour une personne morale pour chaque infraction constatée. L’absence de déclaration des consommations en septembre de chaque année constitue une infraction. On peut donc imaginer de premières sanctions fin 2023, mais ce n’est pas clairement énoncé à ce jour.

Les 3 grands principes du DEET

  • Améliorer la performance énergétique du bâtiment (via des travaux sur l’enveloppe du bâti).
    Installer des équipements performants (chauffage, ECS, rafraîchissement, ventilation,
    éclairage…) et des dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements (GTB).
  • Installer des équipements performants (chauffage, ECS, rafraîchissement, ventilation,
    éclairage…) et des dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements (GTB).
  • Optimiser l’exploitation des équipements.
  • Adapter les locaux à un usage économe en énergie.
  • Inciter les occupants à adopter un comportement écoresponsable.
  • Définir sa consommation de référence.
  • Fixer ses objectifs de consommation en valeur relative ou absolue.
  • Moduler les objectifs selon les contraintes.
  • Déclarer ses consommations annuelles sur la plateforme Operat.
  • Afficher ou publier ses consommations.

Le décret BACS : une obligation de moyens

Le décret BACS s’inscrit dans une logique de moyens pour atteindre les objectifs du décret tertiaire. Il concerne les bâtiments non résidentiels dont le système CVC dépasse 290 kW.
Il impose la mise en œuvre d’un système de GTB répondant aux exigences suivantes :

  • suivi, enregistrement et analyse au pas horaire et par zone fonctionnelle ;
  • évaluation de l’efficacité énergétique du bâtiment par rapport à une référence pour alerter et conseiller l’exploitant ;
  • interopérabilité avec tous les systèmes techniques du bâtiment ;
  • possibilité d’arrêt manuel et de gestion autonome ;
  • conservation des données mensuelles pendant cinq ans.

Le décret s’applique immédiatement pour les bâtiments neufs et au plus tard le 1er janvier 2025 pour les bâtiments existants.

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